Flash-Back :: A month ago

Cela faisait quelques jours à peine que Laeticia était de retour en Australie. Ah l'Australie, terre de merveilles et de rêve. Elle y avait succombé elle aussi à l'époque ... Elle se reoyait, toute jeune et amoureuse, au bras de Gabriel. Ils avaient le vent en poupe, l'avenir devant eux. Ils s'aimaient et pensaient littéralement pouvoir décrocher les étoiles. Tess y avait cru. Pour la première fois de sa vie, elle avait cru pouvoir se poser, fonder une famille et rentrer dans les normes. Bien sur, ils auraient toujours garder cet esprit aventureux et artistique qui les possédaient, mais ils seraient unis, un parmi tant d'autre. Un époux, une épouse; une mère, un père ...

Alors qu'elle posait ses premiers pas sur le sol en sortant de l'avion, elle reconnu cette bouffée de chaleur qui l'avait alors envahie à l'époque. Elle revoyait le passé comme s'il n'avait jamais disparu. Elle pouvait presque sentir l'eau de Cologne de Gabriel venir lui caresser les narines et se mêler à l'air marin, elle pouvait presque deviner sa main venir se glisser dans la sienne, son rire lui titiller les tympans. Tout cela était révolu. C'était il y a bien longtemps. Aujourd'hui Laeticia était seule. Et bien qu'il fasse déjà près de 25°, il lui semblait, étrangement, que l'air soit plus frais.

Depuis ce jour à l'aéroport, elle avait fait son grand retour dans l'immeuble ayant vu leur amour se construire un nid. Elle s'était renseignée, ils n'avaient pas bouger : même adresse. La crise aidant, elle n'eut aucun mal à mettre la main sur une location quelques étages plus haut. Il fut de même pour sa galerie : Un magnifique espace d'exposant, en plein coeur du quartier chic et artistique de Sydney. Elle avait racheter les lieux pour une bouchée de pain et s'était attelée à la tâche de son aménagement des les premières heures. Pour l'instant, toutes les vitrines avaient été soigneusement obstruées. Un seul message était visible et gros et gras : " Opening Soon :: may the arts touch your souls ". Pas de nom ni plus d'infos. Le mystère restait entier. Tout d'abord, car il s'agissait de sa manière de fonctionner (titiller les esprits pour qu'ils s'intéressent, éveiller la curiosité) et puis parce qu'elle ne désirait pas que Gabriel apprenne son retour par un autre biais que celui de sa propre personne.

Il était temps. Temps de briser la glace, de passer aux choses sérieuse et de foncer. Elle ne pourrait repousser l'inévitable éternellement. Son ventre la rongeait de l'intérieur, l'angoisse ne semblait jamais avoir été aussi forte. Ses mains tremblaient. Après avoir hésité la soirée entière sur la tenue qu'elle allait choisir, elle décida finalement d'enfiler un short kaki léger ainsi qu'une petit haut en crochet couvrant ses épaules (Image). Elle chaussa un paire de talons de jour et attacha ses cheveux avant de finalement décider de les porter lâché, naturellement et sans artifice. Avant de franchir la porte de son nouvel appartement, elle resta plantée la main sur la poignée immobile. Quelques secondes s'écoulèrent. Sa respiration était forte. Une fois en route, elle savait que quelques étages à peine la séparait de son ex. Sa réaction ? Elle s'était préparée à tous les scénarii ... tous ! Mais en frappant à la porte, elle su que rien ne pouvait la préparer à ce qu'elle s'apprêtait de vivre. Pas de réponse. Elle se força à recommencer, faisant cogner son petit poing frêle sur le bois de la porte laquée. Toujours rien ... Merde ! Perdue, hésitante, Tess ne se sentait rentrer chez elle après toute ses préparation psychologique et cet échec royal. Si notre demoiselle avait été dans film, tout le monde se serait bien marrer de ce vide monstrueux qu'elle venait de se prendre.

Se rappelant alors qu'on ne devait pas être loin de la pleine lune en ce début de nuit, elel entreprit de gravir les marches qui la conduirait sur le toit plus ou moins aménagé de l'immeuble. Gabriel adorait l'y attirer autre fois. Ils se couchaient là à même le sol et regarda les astres lumineux. surtout les soirs de pleine lune. Elle ouvrit la lourde porte métallique et fit quelques pas. D'ici tout Sydney se révélait à elle. La vue n'avait pas changer d'un poil. Comme une carte postale, un saut dans le temps. C'était tout simplement magnifique. Soudain. Son regard balaya alors les lieux de gauche à droite et tomba sur une sombre silhouette là bas au loin. Près du bord. Son coeur manqua un battement avant de littéralement lui sauter à la gorge. Cette silhouette, elle aurait pu la reconnaître entre des million ... Gabriel, il était là, sous ses yeux, de dos. Son premier instincts fut de fuir, dévaler les escaliers, voir sauter directement ... peu importe ! Mais elle ravala sa peur et avança à pas légers, très légers. Une fois à distance résonnable, deux trois mètre de lui, elle articula un simple et doux : "Bonsoir Gaby" ... Ca y était, plus de marche arrière possible. Tess prenait désormais son nouveau destin en main !

Gabriel se tenait au dessus du lit de son fils et lui lisait une histoire, heureux de le faire rire aux éclats alors qu'il imitait le loup avec une voix grave et le nez plissé, le petit chaperon rouge d'un ton aigu et les yeux ronds et naïfs, ou même la grand mère en chevrotant et en courbant le dos. Au bout d'un moment, Scott réclama une autre histoire, et Gabriel commença la lecture de blanche neige et les sept nains. Il lui fallut un certain temps avant de s'apercevoir qu'absorbé dans sa lecture, il n'avait pas vu que l'enfant s'était endormi. Un sourire tendre sur les lèvres, il se pencha pour déposer un baiser sur le front du jeune garçon et se leva en étirant ses muscles. Observant le visage de Scott, il réalisait Ô combien le temps avait passé. Les cheveux blonds de son fils lui arrivait jusqu'à la nuque, et il ressemblait à un chérubin. Pourtant, Gabriel se souvenait encore de ces longues nuits où il dormait à peine, suspendu à l'existence de son fils comme un homme l'est à sa bouée, effrayé de le voir un jour prendre son envol et s'éloigner de lui. Tout le monde part un jour, songea t-il avec tristesse. Son père s'était barré quand il avait douze ans. Sa femme était partie un an après la naissance de Scott. Le peintre avait peur de s'attacher, peur d'aimer pour ensuite réaliser que tous les sentiments du monde ne servent à rien quand la personne en face de vous veut vous quitter. La faute à pas de chance, la faute d'aimer trop. Il préférait blesser les autres plutôt que de risquer d'être blessé, à présent. Alors il revêtait son masque de Dom Juan, séduisait ces silhouettes anonymes dans la nuit en espérant qu'un jour il voudrait en retenir une pour faire un bout de chemin à deux. Gabriel fit son trajet à travers la chambre du garçon, jurant quand il marchait sur un jouet particulièrement pointu, puis se dirigea vers son atelier pour continuer une toile qu'il avait commencé il y a deux jours. Fondamentalement, elle ne représentait rien et ne serait qu'un amas de couleurs pour quiconque n'y prêtait pas une attention suffisante. Mais si on s'approchait suffisamment, si on s'attardait sur les détails, les courbes, les ombres et les camaïeus de bleus, on pouvait distinguer une silhouette dans la rue, perdue dans le flot insatiable de la ville lumière. Derrière, c'était Paris, le décor de ses vingt ans, les rues de Montmartre, la Tour Eiffel, fière et droite, qui projetait son ombre sur la cité, les champs Élysée ... Doucement, Gabriel trempa son pinceau dans le vert et ajouta des touches, des pixels, des accessoires. Insatisfait de ses modifications, il reprit du bleu pour diluer l'émeraude, et travailla encore une demi heure sur son œuvre. Finalement, il apposa sa signature au bas de la toile et contempla, réjoui, la peinture qu'il venait de terminer. Elle ressemblait un peu aux peintures expressionnistes de Munch, au pointillisme de Seurat et Signac et au cubisme de Picasso. Sans bien entendu s'inspirer de leurs œuvres, Gabriel aimait à retrouver les traces de ses prédécesseurs géniaux dans ses oeyvres. Vérifiant que son fils dormait toujours, il attrapa son bipeur - un système mis en place avec Scott qui lui permettait de l'appeler si jamais Gabriel n'était pas à la maison - et mis son manteau, pour se diriger vers le toit, endroit propice à la réflexion. Personne ne le dérangeait jamais quand il lui venait l'envie de s'y étendre. Il monta quatre à quatre les escaliers et fut accueillit par la chaleur des nuits de Sydney. Soupirant d'aise, il posa son manteau sur le sol et s'allongea dessus. Gabriel avait beaucoup voyagé, mais il avait toujours gardé cette impression que le ciel était plus grand en Australie que partout ailleurs. Pour avoir, à de nombreuses reprises, campé dans le désert australien, il savait à quel point cette spéculation pouvait s'avérer exacte. Et alors il tourna ses yeux vers le ciel ... mais quel ciel ! un ciel bleu, couvert d'opales, un ciel azuréen, dans lequel des milliers de lapis-lazuli étaient venues s'accrocher pour former la gigantesque toile de la voie lactée (désolée je n'ai pas pu résister à l'envie de me prendre pour Verlaine (a)). Un jour, il peindrait ce dôme empyrée, se promit-il. Et alors qu'il se sentait envahir par les brumes du sommeil, une voix le tira de ses pensées vagabondes. Une voix qu'il croyait ne jamais réentendre . « Bonsoir Gaby » le ton était doux, féminin. C'était le timbre aux trémolos graves et chauds de son ex-femme, Laeticia. Aussitôt, il se redressa, croyant avoir rêvé, pour se trouver face à celle dont il avait attendu le retour avec le plus d'impatience, celle qu'il avait aimé le plus mais aussi détesté avec le plus de passion. Gabriel cligna des yeux, la bouche ouverte, laissant la surprise apparaître quelques instants sur son visage, puis il reprit un masque de froideur et d'indifférence pour dire d'un ton glacial « Qu'est-ce que tu fais là ? ». Déterminé, il se leva pour lui faire face et la détailler avec plus d'attention. Un sourire cruel sur les lèvres, il constata « L'âge n'a pas été clément avec toi. » bien entendu, c'était un mensonge, elle n'avait jamais été aussi belle et, paradoxalement, elle ne lui avait jamais semblé si haïssable. Peut-être avait-il espéré qu'elle se détruise de culpabilité. « J'espère que tu t'es amusée, chez Sophie. » ajouta t-il d'un air hypocrite. La bonne blague « Tu m'as vraiment fait passer pour un con, ce soir là. ». Ramassant son manteau, il fit mine de partir. Gabriel avait peur de ce que son retour signifiait. Allait-elle essayer de lui reprendre Scott ?