« Bon sang Stacy, concentres toi un peu tu veux ! » criais je sur mon élève. Une ado d'à peine 18 ans qui commençait tout juste la conduite. On venait tout juste de manquer de se prendre un poteau.  « Je suis désolé, je voulais pas... » Et voilà qu'elle se mit à pleurer. Je soupirais. C'est vrai que j'y étais peut être aller un peu fort avec elle, surtout sachant combien elle pouvait être hypersensible. Mais j'en étais à ma septième heure de conduite de la journée, et je n'en pouvais plus. Rajoutez à cela que je m'étais engueulé avec mon mari... Seulement ce n'était pas une raison pour passer mes nerfs sur la demoiselle. Je soupirai alors et repris plus doucement.  « Ce n'est pas grave, allez calmes toi...ça arrive à tout le monde, tu débutes » Il me fallut trois bonnes minutes pour réussir à lui faire reprendre ses esprits, et qu'on rentre sain et sauf à l'auto-école. Je fis bien attention de prendre ses prochains rendez vous le matin, pour éviter tout soucis supplémentaire. C'était dans ces moments là que je regrettais d'avoir abandonné mes études de médecine. Si seulement je n'avais pas tout fait foirer, je serais peut être médecin aujourd'hui, et non une p'tain de monitrice d'auto-école. Oh bien sur ce n'était pas un job tout pourri non plus. Et j'aimais ça le contact avec les autres, les aider, leur apprendre à conduire... Seulement ce n'était clairement pas le travail de mes rêves. Mais bon après tout, peu de gens dans la vie exerçaient réellement le métier de leur rêve, je ne m'en sortais pas trop mal. Et puis je faisais du bénévolat à l'hôpital, ça compensait un peu. Mais bon il y'avait des jours comme ça, où rien n'allait. Et où l'envie de boire me prenait. Plutôt que de céder facilement à la tentation, je décidai de me rendre à une réunion. Une sorte de thérapie de groupe, où chacun parlait de ses problèmes. Parfois je me contentais simplement d'écouter les autres, et rien que ça m'aidait. On était une sorte de petite famille. Mais en entrant dans la salle, quelle ne fut pas ma surprise de tomber sur...Aidan. Et merde. Je fus tenté de faire demi tour, mais trop tard, il m'avait aperçu. J'allais alors à sa rencontre.  « Aidan, hey...Qu'est ce que...qu'est ce que tu fais là ? » Je souriais nerveusement. Non mais vraiment, que fichais mon voisin ici ?

« Justice ! » Non seulement sa présence n'était pas souhaité, mais en plus il venait de m'appeler par mon prénom complet. Habituellement il se serait fait engueuler, j'avais une sainte horreur qu'on m'appelle ainsi, mais vu les circonstances, ce n'était pas vraiment le moment de titiller. « Je pense qu'on est tout les deux pour la même raison .. » Je fis mine d'être étonnée. « Moi ? Non...Je viens aider... » Oui, quoi ? Qu'est ce que t'allais bien pouvoir raconter comme mensonge au juste ? Mais je n'eus même pas le loisir de chercher une excuse bidon, qu'un autre habitué vint à ma rencontre. « Salut JJ' ! Ça fait longtemps qu'on ne t'as pas vu à une réunion, j'ai cru que... » Je lui lançais un regard noir, tout en faisant un léger non de la tête. Il comprit automatiquement qu'il dérangeait, fit un petit sourire d'excuse et alla s'installer à sa place. Grillée. Pour l'anonymat on repassera, maintenant avec cette petite intervention, il paraissait clair que j'étais une habituée. De toute manière, je doutais qu'il aurait cru à l'excuse ridicule que je lui aurais inventée. Il n'était pas né de la dernière pluie. « Bon d'accord, je viens régulièrement ici... » Enfin il est vrai que ces derniers temps je ne m'étais pas montrée souvent. Apparemment Aidan était là pour les mêmes raisons. Qui l'aurait cru ? En même temps j'étais plus que bien placée pour savoir que les apparences pouvaient être trompeuses. J'en étais la preuve vivante. Quasiment personne n'était au courant pour mon passé, hormis les gens bien évidemment qui m'avaient connus à cette époque là. « J'apprécierais que tu gardes ça entre nous... Tu vois, peu de gens sont au courant pour mon...problème, et j'aimerais que ça reste ainsi, tu comprends. » Mais j'avais comme le sentiment que lui non plus ne souhaitait pas que ça s'ébruite, ce qui serait une chance pour moi.

« Tant que tu tiens la tienne je tiens la mienne ! » Lui rétorqua Aidan un brin amusé. Il sentait qu'il pouvait faire confiance à la jeune femme. Pas seulement parce qu'elle avait tout intérêt à garder son petit secret si elle voulait qu'Aidan garde le sien, mais parce qu'elle semblait tout simplement quelqu'un de bien. Ce n'est pas parce qu'on se drogue, qu'on boit que nous ne sommes plus des gens bien. Il en faut bien plus pour tourner du mauvais côté. Il y a toujours de l'espoir. « La drogue. » Lui répondit Aidan. Bien sûr il n'était pas rentré dans les détails pour ne pas faire peur à la jeune femme. L'alcool c'est aussi dangereux, mais moins effrayant de la drogue. Sachant qu'Aidan a fait a peu près le tour de toutes les drogues c'est-à-dire autant les drogues dures que les drogues douces. Il n'en est pas fier, mais c'était sa façon à lui de gérer la vie. Heureusement ce n'est plus le cas. Aidan est assez bien dans sa tête pour ne plus avoir besoin de ces merdes. Il espérait ne pas faire peur à la jeune femme après tout d'habitude quand quelqu'un apprend son problème il s'enfuit en courant. Il espérait que cela ne sera pas le cas pour Justice. « Ca déjà fait un bout de temps que je vais à des réunions, mais ici c'est la première fois .. » Lui avoua Aidan. Il avait un peu honte parce que cela faisait déjà deux mois qu'il était arrivé ici et pourtant, il n'était jamais venu. Il avait passé une période dans laquelle il se sentait plus fort que tout, mais certains événements de son passé étant revenu à la surface Aidan ressent le besoin de venir ici. Une fois de plus, Aidan réalise qu'il n'est qu'un humain et qu'il restera toujours d'une certaine manière fragile même si c'est dur à avouer.

La drogue, tel était son problème. Je ne risquais pas de le juger pour ça. Dans ma période auto-destructrice j'avais aussi essayé toute sortes de drogues, ceci dit pas au point d'en devenir accro. Nope, au final ça n'avait jamais été mon truc. Et puis de toute manière, il était beaucoup plus aisé de se procurer de l'alcool, puisque c'était légal et qu'on en vendait à tous les coins de rue. Du reste, même si je l'avais voulu, je n'aurais probablement pas eu les moyens de devenir une junkie. Beaucoup trop chère pour une étudiante fauchée comme moi. Bien qu'en étant hautement motivé, on trouvera toujours un moyen de s'en procurer. « Ca déjà fait un bout de temps que je vais à des réunions, mais ici c'est la première fois .. » Si c'était la première fois qu'il venait ici, cela expliquait que je ne l'ai jamais vu auparavant en ces lieux.  « Dans ce cas je dois te souhaiter la bienvenue. Tu verras, les gens ici sont sympa, on peut parler librement, personne ne se juge. » La raison principale pour laquelle je préférais passer sous silence mon alcoolisme à mes proches et connaissances. Dès la minute où ils l'apprennent, on vous colle une étiquette sur la tête. Soit on vous juge, soit on vous prend en pitié. Je crois que c'est ça le pire, la pitié. Et qu'on vous traite ensuite comme une espèce de petite chose fragile, à qui il faut faire attention. Qui pourrait rechuter à tout moment. Je ne veux pas que les gens autours de moi se privent, ou fassent constamment attention à ne pas boire en ma présence...ça ne me dérange pas d'être la personne qui boit un soda quand tout le monde est à l'alcool. Je prétexte ne pas supporter l'alcool, que ça me rend malade. En quelque sorte c'est vrai, alors ce n'est pas vraiment un mensonge.  « Cela te dit qu'on se prenne un verre après la réunion ? Enfin c'est une façon de parler bien sur. » dis je un sourire aux lèvres. Cela sera plutôt un café pour ma part. D'ailleurs, normalement les drogués n'avaient pas le droit non plus de boire de l'alcool, mais je savais que pour certains c'était différent. Qu'ils arrivaient à différencier complètement les deux.

Dès la minute où j'avais pu me rendre compte que je pouvais faire confiance à Aidan, ma gêne s'était dissipée. J'espérais ne pas me tromper sur sa personne, mais généralement j'étais plutôt douée pour cerner quelqu'un. Et puis ce n'était pas non plus un complet étranger, j'avais déjà pu discuter avec lui auparavant. Bon certes, pas des conversations très profondes, mais tout de même. Après bien sur on n'était pas à l’abri d'une surprise, mais de toute façon, je préférais pêcher par excès de confiance, plutôt que l'inverse. Certains se méfiaient de tout le monde, n'attendaient rien des gens, par peur d'être déçu. Mais c'est en se comportant ainsi qu'on passait à côté de beaucoup de choses. Le jeune homme accepta mon invitation, ce qui me fit plaisir. Évidemment c'était prendre un café en tout bien tout honneur, il n'y avait aucunes ambiguïtés là dessous. J'étais une femme mariée, et lui en couple aux dernières nouvelles. Ce qui me fit penser qu'il faudrait que je prévienne mon mari, ayant oublié de lui mentionner que j'assistais à une réunion ce soir. Il fallait dire que cela avait été une décision de dernière minute. Cela commençait à s'agiter dans la salle. « Je crois qu'on ferait mieux de s'installer, ça va commencer. » Sur ce, on pénétra dans la pièce et s'installa.